Une motion signée par les représentant⋅e⋅s des parents et des professeur⋅e⋅s


Motion du conseil d'administration du lundi 24 janvier 2022

sur la Dotation Horaire Globale (DHG) pour l'année scolaire 2022-2023

Collège Théophile GAUTIER – Le HAVRE

Le conseil d'administration du collège Théophile Gautier, réuni ce lundi 24 janvier 2022, tient à exprimer, au nom de tous les enseignants et tous les parents d'élèves du collège, son désaccord avec le volume de la Dotation Horaire Globale (DHG) qui lui a été attribué.

Depuis près de deux ans maintenant, Jean-Michel Blanquer se targue de garder les écoles ouvertes. Certes, elles le sont. Mais à quel prix ? La dotation allouée par l’institution pour l’année scolaire 2022-2023 apporte une réponse désormais tristement récurrente dans le service public : au prix d’économies de moyens.
À nouveau, cinq professeurs de l’équipe pédagogique devront exercer sur deux établissements l’année prochaine pour effectuer leur service d’enseignement. Quel sens y a-t-il à faire sortir un collègue à qui l’institution n’attribue que 16h poste, quand l’équipe pédagogique de la discipline se partage 4h supplémentaires annuelles ? Quel sens ? Celui de l’économie : une heure supplémentaire coûte moins cher au Ministère qu’une heure poste. La qualité de l’enseignement compte bien peu quand il s’agit de faire des économies. Professeur ? Présent. Qualité du suivi pédagogique ? Moindre. Moyens investis par l’État à la hauteur des enjeux ? Absents. Écoles ? Ouvertes !

Une nouvelle année scolaire dans l’ombre de la crise sanitaire se profile. La dotation horaire en prend-elle la mesure ? Non, répond unanimement l’équipe pédagogique. Depuis bientôt deux ans, le travail des élèves perd en qualité, leur rythme de travail est de plus en plus chaotique, leur investissement fond comme neige au soleil. Le niveau attendu par l’institution nous paraît, au fil de la pandémie, de plus en plus éloigné de celui de nos élèves. Combien de fois, dans toutes nos disciplines, devons-nous reconstruire des notions déjà abordées, comme si elles étaient neuves ? Combien d’heures avons-nous perdu, ne serait-ce que depuis la rentrée de janvier, à nous adapter à des classes vides aux trois-quarts ? Combien d’élèves ne suivent rien des cours quand ils sont positifs au virus et décrochent pendant leur absence ? Assurer la réussite de nos élèves lors de la prochaine année scolaire relèvera de la gageure : l’absence de dotation supplémentaire, correspondant aux besoins réels du terrain liés aux aléas de la crise ne fait qu’éloigner encore plus de l’école les élèves très faibles. Si l’école est ouverte, le manque de moyens concédés par l’institution creuse et, même, renforce les inégalités bien présentes dans notre collège REP.

La dotation horaire 2021-2022 a obligé plusieurs collègues à intégrer d’autres établissements, parfois hors du réseau REP. Ces collègues distinguent très bien entre la qualité de travail, d’écoute et de capacités de nos élèves et des autres. Nos élèves ont de réels besoins pédagogiques, ils relèvent d’un public spécifique qui exige des moyens horaires que la DHG de l’an prochain n’assure pas. Pour leur permettre de réussir à la hauteur du potentiel qui est le leur, l’institution se doit de leur proposer des conditions de travail favorables. Nous le voyons d’ailleurs quand les effectifs sont décimés par les cas positifs en ce moment : les élèves travaillent beaucoup mieux à 15 qu’à 25, ils écoutent, réfléchissent, comprennent et retiennent plus facilement, et nous sommes plus disponibles pour les encourager dans leur progression. C’est à ce moment-là, et seulement celui-là, que les élèves se sentent dans l’école de la confiance : quand ils sont en mesure de prendre confiance en eux par la réussite individuelle.

Comment des élèves à la peine en mathématiques dès l’entrée en 6e peuvent-ils progresser rapidement et combler leurs lacunes avec un volant l’heures d’A.P. que l’on ne peut répartir qu’en 6e et en 3e ? L’année prochaine, un niveau entier n’aura pas d’A.P. en Français, par manque de moyens : chacun sait pourtant que la compréhension des consignes de toutes les disciplines s’acquiert au contact des œuvres et des textes, dans la fréquentation régulière et personnelle d’une langue, d’une orthographe et d’une syntaxe correctes que l’on s’approprie à force de contact et de réflexion. Dans notre établissement, les cours de tronc commun en classe entière ne suffisent pas à porter les élèves vers l’autonomie : pourquoi ne reçoit-on pas la dotation correspondant aux besoins de ces élèves, pourtant prioritaires dans la politique nationale ? Comment une cohorte difficile et assez faible comme nos futurs 3e doit-elle réussir l’examen du brevet en évoluant dans des classes extrêmement hétérogènes de 23 ou 24 élèves ?

L’entrée dans les apprentissages, la maîtrise des connaissances et compétences spécifiques à chaque discipline, tout ce que requiert la formation intellectuelle d’un citoyen éclairé, ne saurait fonctionner sans une réelle politique volontaire de faire réussir les élèves d’éducation prioritaire. Où sont les moyens pour assurer des heures en co-intervention ? Qu’attend-on pour proposer les options culturelles et linguistiques au plus grand nombre d’élève, en garantissant aux établissements les moyens de les ouvrir pour les élèves qui le souhaitent, peu importe leur effectif ? Comment, dans ces conditions, un élève en difficulté peut-il sereinement voir au-delà des frontières entre les disciplines et faire la synthèse de la complémentarité de son instruction secondaire ? Nos élèves ont besoin d’apports culturels, d’évolution sociale dans des groupes apaisés, d’ouverture mentale : lorsque la dotation enferme les élèves dans leur classe, on ne peut revendiquer une école ouverte.

À l’heure où la campagne des présidentielles 2022 commence à prendre forme, rappelons que nos élèves et enfants seront pour certains majeurs lors des élections suivantes. Quel message la politique ministérielle leur a-t-elle envoyé depuis cinq ans et peut-être pour le prochain mandat ? Quel message cette dotation horaire 2022-2023 leur fait-elle passer ? Vous serez nombreux par classe, vous n’aurez pas autant d’Aide Personnalisée que l’exigerait l’état de vos compétences après deux ans de COVID, vous pratiquerez moins les langues vivantes puisque les groupes sont chargés, vous n’aurez que quelques occasions de découvrir et pratiquer des expériences scientifiques comme on ne donne que les moyens minimaux pour travailler, quitte à risquer votre sécurité. L’école est ouverte, mais il ne faudrait pas qu’on y réfléchisse trop non plus.
Quel message cette dotation envoie-t-elle aux parents ? Celui du service minimum. Il y a du monde devant vos enfants, peu importe qui, peu importe comment, peu importe les circonstances dans lesquelles ils évolueront. L’école est ouverte, mettez-y vos enfants et ne posez pas trop de questions.
Quel message cette dotation envoie-t-elle aux professeurs ? Battez-vous avec les quelques heures que la situation sociale de l’établissement vous accorde en plus de ce qui est réglementaire. Vous réglerez entre vous la répartition des A.P., la quantité des options, vous piocherez chez l’un et chez l’autre pour créer un groupe. Vous gérerez la pénurie des moyens et garantirez la continuité du service public. Vous vous débrouillerez pour offrir à vos élèves un enseignement cohérent, même si vous êtes sur deux établissements et peinez à vous concerter avec vos collègues. Dans une telle situation, si les écoles sont ouvertes, c’est par la seule résilience de ses personnels de terrain.

Et que dire des élèves aux besoins spécifiques ? Comment peut-on honnêtement proclamer inclusive l’école d’une République qui ne met pas les moyens nécessaires pour garantir la qualité et la sérénité d’un travail d’élève de plus en plus difficile dans les conditions auxquelles elle contraint ? Personne ne remet en cause le bien-fondé de leur présence dans nos cours, mais une inclusivité de façade n’est pas digne des ambitions portées par ces élèves, leurs parents et les professeurs qui les accompagnent au fil de leur scolarité. Les classes sont de plus en plus chargées, ces élèves spécifiques de plus en plus nombreux, et leurs besoins de plus en plus précis. Quel sens y a-t-il à revendiquer l’inclusion de ces élèves tout en les laissant dans des situations pédagogiquement difficiles pour eux ? Le sens de l’économie, à nouveau : pour que les classes soient moins chargées et le suivi des élèves, quels que soient leurs besoins, le plus précis possible, l’institution doit allouer davantage d’heures.

Cette année encore, nous réclamons que le Ministère de l’Éducation nationale et le Rectorat de l’Académie de Normandie prennent la mesure des enjeux d’un terrain qu’ils refusent d’entendre. Les heures supplémentaires annuelles doivent être requalifiées en heures poste pour garantir un enseignement de qualité à nos élèves et enfants. Comment ? De manière très simple : dédoubler les classes très chargées et proposer aux élèves de travailler dans un cadre plus stable grâce à des groupes restreints, ce que le Ministre lui-mêmequalifie de : « favorable, pédagogiquement ».

Pour que l’école soit réellement ouverte, vraiment inclusive et favorablement pédagogique, il faut, en somme, des moyens pour investir dans l’avenir de nos enfants et nos élèves : des heures, des classes, des postes de professeurs.

La dotation horaire globale 2022-2023 ne le permet pas.

Les représentants des parents d'élèves Les représentants des enseignants

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