Droit de réponse des personnels enseignants et parents d’élèves du collège Théophile Gautier


Les professeurs et parents d’élèves du collège Théophile Gautier s’indignent de l’article paru mercredi 23 février sur le site 76actu.fr qui relève d’une campagne de désinformation de la part du Département. Nous ne nous sommes en rien opposés au projet départemental : celui-ci a été très mal défendu par le représentant à notre conseil d’administration et, en l’absence de réponses claires et précises de sa part, nous nous sommes abstenus de voter l’accord de principe, qui a donc été accepté. Le questionnement et les désaccords exprimés sont partagés par d’autres collèges havrais, contrairement à ce que fait croire l’article.

Mensonge, tromperie et mauvaise foi : thème et variations

Nous avons découvert ce mercredi 23 février l’article paru sur le site 76actu.fr à propos de notre collège et de notre supposée « opposition » à l’arrivée de tablettes numériques à la rentrée 2022.

Contexte

Lundi 24 janvier figure à l’ordre du jour de notre conseil d’administration n°3 la présentation d’un projet départemental sur le thème du numérique. Notre principale présente le projet et vient le moment des questions. Le Département de Seine-Maritime, par la voix de Monsieur Christian Duval, qui siège au poste qui lui revient à notre conseil d’administration pour la seconde fois depuis quatre ans, nous vend avec fierté un projet « précurseur » : des tablettes pour les 6e à la rentrée. Lesquelles ? il ne sait pas. Seront-elles suffisamment solides pour tenir les quatre années de la scolarité d’un élève de collège ? il ne sait pas. Quel matériel pédagogique sera installé sur ces supports ? il ne sait pas. Quels partenariats sont prévus par le Département pour que ces outils fonctionnent de manière utile et efficace ? il ne sait pas.
Le représentant départemental n’a su que nous répondre qu’il ne savait pas ce que contenait le projet qu’il venait nous présenter ; ignorance saupoudrée de sabir politico-marketing : pratiques innovantes, être précurseur, en avance, un département à la pointe. Le seul intérêt de sa présence ce soir-là résidait en une campagne d’affichage absolument creuse : il « entendait » les questions mais n’apportait aucune réponse, n’ayant aucune idée des besoins pédagogiques directs des élèves et des enseignants.
Affichage et malveillance : le Département exigeait du conseil d’administration un accord de principe. Comprenez : si vous n’acceptez pas de signer ce chèque en blanc, si vous n’acceptez pas un projet totalement flou, avec beaucoup de vide dedans et dont le promoteur ne connaît rien, vous n’aurez : rien. Si nous ne signions pas ce soir-là, nous renoncions au projet et à l’exploitation possible d’une nouvelle ressource pédagogique. Les discussions ont été longues : que fallait-il faire ? D’un côté, la poule, de l’autre, le couteau.
Nous nous sommes abstenus, comme le stipule le procès-verbal de séance dont dispose le Département.

Et voilà maintenant que le Département de Seine-Maritime nous « répond » par la presse en ligne. A-t-on été sollicité sur le terrain ? Monsieur Duval, Madame Thibaudeau Rainot sont-ils venus au collège rencontrer la vilaine équipe qui veut priver les pauvres petits enfants havrais de leurs belles tablettes ? Madame Thibaudeau Rainot, vice-présidente du conseil départemental de Seine-Maritime et adjointe d’Édouard Philippe, nous a-t-elle invités à échanger dans son bureau havrais, à 2km à vol d’oiseau du collège ? Non. Rien. Personne. Plutôt qu’une réponse, c’est un monologue politique que déroule cet article, structuré autour de trois thèmes :

Thème 1 : le mensonge.

Le conseil d’administration ne s’est en rien opposé à cette proposition du Département. Nous nous sommes abstenus, et une seule personne a voté contre. Le Département le sait : par la présence de Monsieur Christian Duval, et par le procès-verbal de séance. L’accord de principe entre le collège Théophile Gautier et le Département de Seine-Maritime a donc été signé. Le titre est un mensonge. Les différents commentateurs de la publication Facebook ne s’y sont pas trompés : nous tenons à les remercier très chaleureusement pour leur appui et souhaitons que les élus entendent ces avis extérieurs.

Thème 2 : la tromperie.

Le titre de l’article fait croire à une opposition, et le sous-titre, qui n’apparaît pas si l’on ne clique pas sur la publication, mentionne quant à lui « un désaccord ». Bien qu’étant un exemple très pratique à travailler en Éducation aux Médias et à l’Information, il paraît regrettable dans une période de défiance médiatique de jouer sur le sens des mots pour jeter le discrédit sur l’équipe pédagogique d’un collège. Rappel : s’opposer, c’est se mettre face à, se placer contre, dire non. Être en désaccord, en revanche, consiste à dialoguer, réfléchir, échanger et, peut-être, trouver un terrain d’entente. Mensonge avoué, à moitié pardonné. Malgré tout, tromperie.

Thème 3 : la mauvaise foi.

Explication de texte :

« Qu’ils prennent leurs responsabilités »

Les professeurs et les parents n’ont pas voulu dire oui les yeux fermés.

« Les collégiens ne recevront pas de tablettes. »

Un outil dont on n’a pas parlé aux professeurs, qui tombe du ciel un beau soir de janvier, sur lequel ils n’ont aucun recul critique, pour lequel ils ne sont pas formés.

« 92 ont répondu qu'ils étaient pour. » 

Le conseil d’administration du collège Théophile Gautier a signé l’accord, il est donc « pour », malgré les désaccords évoqués, et auxquels le Département ne répond pas. Précisons malgré tout que plusieurs autres équipes du bassin havrais se sont abstenues et, certaines, ont refusé de signer l’accord.

« Théophile-Gautier est le seul collège qui a répondu par voie de courrier » 

En plus de l’accord de principe voté en C.A., a été envoyée une lettre qu’il aurait été honnête de joindre à l’article puisque des propos en sont tirés : https://www.parents-theophilegautier.fr/fr/blog/lettre-envoyee-au-president-du-conseil-departemental

« Son profond désaccord »

Oui, nous sommes en désaccord avec les méthodes employées par le Département pour faire passer des projets politiques sous le déguisement de la pédagogie.

« Nous n’avons eu aucune remontée de dysfonctionnement avant ce courrier. »

C’est purement et simplement faux. Les tickets Caméléon (le sous-traitant que le Département emploie pour gérer l’informatique des collèges) ne font que remonter par paquets : une trentaine depuis l’installation il y a moins d’un an du nouveau système imposé par le Département, le mal-nommé « Harmonie ».

« Le collège est équipé d’un ordinateur pour quatre élèves et il y a la fibre. »

Manipuler par des statistiques, outil bien pratique, quoique fallacieux. Madame Thibaudeau Rainot fait une erreur de diagnostic ; soit, il y a des ordinateurs : ils ne fonctionnent pas tous. Les techniciens qui interviennent au collège soufflent à demi-mot que les postes sont « obsolètes ». Un grand panneau bleu devant le collège annonçant la fibre ne change rien : la connexion a beau être rapide, le système informatique ne fonctionne pas de manière optimale et opérationnelle. Notre parc informatique est en fin de vie : les vieux processeurs n’ont pas les capacités pour faire tourner le nouveau système d’exploitation très gourmand en mémoire centrale. De ce fait, les ordinateurs s’usent encore plus vite et sont vétustes ; par ailleurs, le serveur n’a pas été paramétré pour autant d’ordinateurs et n’est pas suffisamment puissant pour gérer la consommation simultanée des différents postes. Il incombe au département de définir la vétusté exacte de chaque outil et d’y remédier le cas échéant.

À la vétusté de l’équipement s’ajoute la rétention de droits par le prestataire du Département : nous demandons que soient ouverts aux PREMS, professeurs référents à la maintenance du système informatique, les droits administratifs nécessaires pour gérer le parc informatique. La centralisation en place n’a aucun sens : les problèmes internes liés à la pédagogie numérique peuvent se régler très facilement sur place par le référent PREMS, seulement s’il possède les droits, dont on l’a privé avec le passage à Harmonie. Il est ridicule de devoir faire venir un intervenant extérieur pour installer un logiciel de mathématiques pour un collègue, ou de donner les noms de nos enfants aux techniciens à distance pour qu’ils débloquent telle ou telle session. Par ailleurs, les techniciens du Département auront fort à faire pour gérer les problèmes inhérents au parc informatique et à la petite centaine de tablettes qui arrivera chaque année : il faut mettre en place des moyens humains aux bons endroits pour gérer les besoins numériques de chaque établissement et confier aux référents les tâches qu’ils peuvent accomplir directement eux-mêmes. Le système actuel n’est pas efficace sur les problèmes fondamentaux des salles.

En outre, la surdité des services informatiques du Département (DSI) renforce et aggrave les besoins du terrain : les réponses que l’on obtient ne sont pas adaptées aux demandes et relèvent d’une logique de réparation et non d’anticipation. Quel respect des professeurs y a-t-il lorsque l’équipement numérique est installé absolument a contrario de ce qui a été souhaité pour le bon fonctionnement des cours ? La disposition des salles informatiques relève de la pédagogie, et leur installation devrait suivre les demandes et besoins du terrain, et non pas un plan décidé a priori et dont les professeurs ne sont pas informés.

Qu’en moyenne il y ait un ordinateur pour quatre élèves ne change rien au fait que cet ordinateur rame comme l’Argonaute moyen et que, pédagogiquement, cela met en grande difficulté lesdits élèves et le professeur. Quand on est en classe, il est trop tard pour adapter le cours de manière satisfaisante à du matériel défectueux. De plus, on se demande bien comment cela évoluera avec toute une cohorte de tablettes connectées en wifi.

Nous proposons, plutôt que de confier une tablette à chaque élève, ce qui engendrera des problèmes terribles de gestion pour les parents, les professeurs et les personnels de vie scolaire et de direction, d’équiper les salles avec les tablettes du Département. L’outil a des intérêts pédagogiques que nous reconnaissons sans souci, mais ceux-ci relèvent de la pédagogie propre à chaque professeur : libre à chacun d’en faire l’utilisation pédagogique qui lui semble la meilleure pour les élèves.

Nous craignons de surcroît que ce nouvel outil numérique imposé à demi-mot soit une porte de sortie pour le Département lui permettant à court terme de ne plus doter ses collèges, les nôtres, ceux de nos enfants, d’ordinateurs. Pourtant, l’accès au numérique nous paraît fondamental via des ordinateurs.

D’un point de vue ergonomique, une fois dans le monde professionnel, nos élèves, nos enfants, seront amenés à utiliser avant tout des ordinateurs avec des claviers : intégrés à l’écran d’une tablette, ils déroutent totalement l’utilisateur adolescent au moment de rentrer une adresse mail dans PIX, par exemple. Comment faire l’arobase ? Où se trouve l’accent circonflexe ? Si les unités centrales rapetissent depuis des années, les claviers ne semblent pas disparaître, de même que les souris et leurs fonctionnalités du clic droit, et nous nous devons, nous professeurs, de former les élèves à l’usage de tous les outils numériques de base, dont le clavier fait partie comme la souris, pour qu’a posteriori ils s’intègrent facilement dans leur environnement numérique de travail.

D’un point de vue pédagogique, un bon ordinateur suffit sans tablette. La réciproque ne nous paraît pas vraie : les qualités propres à la tablette comme outil de travail ne peuvent remplacer la puissance des logiciels et la polyvalence d’un poste fixe en termes d’acquisition, d’export, de stockage et de confort de travail, pour les élèves comme pour le professeur. Les tablettes doivent venir en complément d’un parc informatique performant, pas en remplacement.

« La maintenance de la photocopieuse est du ressort du collège »

Développer sur ce qui ne relève pas de sa compétence : pratique rhétorique assez basse, disons-le, permettant de faire croire à la mauvaise gestion de l’autre parti. Il n’en est rien. Changer de sujet n’efface pas l’absence de réponse à nos questions.

« Six ans après, tout le monde est convaincu. »

Des tablettes sont en circulation depuis six ans à Claude Bernard, mais leur implantation est une grande innovation ? Il s’agirait d’être sérieux. À notre connaissance, l’utilisation des tablettes ne fait pas l’unanimité dans ce collège qui, comme les autres, a beaucoup souffert de la fracture numérique pendant le grand confinement ; tablettes ou pas. L’on passera silencieusement sur la généralisation outrancière de ce dernier propos rapporté qui conclut un article infamant et diffamant.

Il serait opportun que les élus du Département se souviennent que le mandat dont ils disposent leur a été confié par les citoyens pour le service des citoyens. Cet article de commande nous attaque sans apporter aucune réponse aux questions légitimes que nous posions. Il nous paraît inconcevable, à nous parents d’élèves, que des élus répondent à leurs administrés par voie de presse ; tout comme nous, fonctionnaires de l’État, estimons scandaleux et inacceptable le choix d’apporter une réponse publique et biaisée, sans même s’adresser aux personnels concernés. Cette façon de faire n’est pas digne d’élus de la République.

Nous regrettons par ailleurs que le Département et ses représentants ne se soient pas saisis par voie de presse des problèmes inhérents au bien-être des élèves, problèmes dont ils ont la charge et la responsabilité, et desquels ils sont alertés. À titre d’exemple, il faisait 8° dans le bureau de la vie scolaire et dans les locaux administratifs lundi 21 février, et entre 12° et 14° dans les classes.

Projet de campagne médiatique : Février 2022, le conseil départemental de Seine-Maritime n’est pas capable de chauffer un établissement d’enseignement public au-dessus de 15° en plein hiver.

Les équipes et parents sont « navrés ».

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